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Lettres à Lou |
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Le regard d'un papa sur son petit prince pas comme les autres, sur la vie, l'éducation, l'amour.
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vendredi 10 mars 2006 |
47. Orphelin |
Mon petit bonhomme,
Nous nous posons tant et tant de questions à ton sujet. Face à elles, nous sommes bien seuls à la recherche de réponses.
C'est pour cela que le handicap de ton corps porte le sinistre nom de "maladie orpheline".
De fait, nous sommes orphelins. Il n'y a personne, pas de chercheurs, ni de spécialistes, qui prendrait le temps de se pencher avec nous sur ta petite personne, pour nous aider à comprendre les frontières obscures de ton esprit. Ton cas est trop rare et donc de peu d'intérêt collectif ou commercial.
Pourtant, il y a tant de questions. Comment réagir face à ta difficulté de te concentrer plus de deux minutes, hormis de rares exceptions comme lorsque tu joues au piano ? Faut-il s'y opposer ? S’obstiner ? Composer avec elle ? Comment réagir lorsque souvent, tu sembles ne pas nous écouter pendant que nous tentons de t'expliquer quelque chose ? En ces moments-là, comprends-tu seulement le sens de nos mots ? Parviens-tu à les aligner et former un raisonnement ? Pourquoi, à d'autres moments, tu nous prouves le contraire en reformulant notre propos ? Comment se fait-il que le concept du temps soit si complexe à ton esprit ? Et j’en passe...
Comment répondre à ces questions quand la science, elle-même, ne peut expliquer la fonction de cette membrane qui te manque dans le cerveau.
Et pourtant, l'enjeu est ni plus, ni moins que ton futur, ton bonheur. Il m'importe finalement peu que tu sois et restes différent, en ce compris dans ton esprit.
Le problème, c'est que ta confusion, tes absences, tes obsessions ou tes peurs, te pourrissent la vie et risquent bien de te rendre malheureux dans le futur, comme cela t’arrive occasionnellement aujourd’hui.
Il en va de même avec ton petit caractère tyrannique contre lequel nous luttons pour ne pas céder de terrain. - Je veux de l'eau ! - Je veux être demain. - Je veux, je veux... Et cent fois, et mille fois de s'opposer calmement à tes ordres, de te répéter que tu n'es pas seul au monde, qu'il faut composer sa vie avec les autres, qu'on ne peut pas faire revenir le temps en arrière etc.
Nous ne cherchons pas à te normaliser, te formater à ce monde. Nous essayons juste de te donner les armes pour vivre heureux. Et dans cette démarche, en dehors des examens de contrôle médicaux et de l’encadrement scolaire, nous sommes bien seuls… mais heureusement à deux et déterminés ! |
Par Luc Boland,
à 12:24 :: Lettres à Lou
:: #63
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